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BLOG - Information

Ouvrage réalisé avec le propos de rappeler les 110 ans de la parution du dictionnaire de Cerlogne. (1907 - 2017)

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Toutefois, n'ayant pas les moyens financiers pour en faire une publication et sachant auparavant que je ne pourrais compter sur aucun aide à cet égard, je me propose quand même de divulguer cette brochure à travers Internet, le réseau informatique accessible au public, afin de donner la possibilité aux patoisants et non d'en prendre connaissance.

Cette décision se rattache un tant soit peu à une reflèichon de Cerlogne quand il écrivait :

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« Dze me si deut un dzor ëten de bouna leuna : / Dei que me ver semblon fére pleisi, / Me fat n’en fére stampé se dze poui : / N’en saret poue de dove bague l’euna : / O que dze fari ma forteuna, / O bin adon dze cognëtri / Que cen que coute ren pout mioù no deverti : / Më qu’est’ë poue arreuva ? dze vo leisso a comprendre ; / Et se dze fucho pa tabole come mè, / Dz’ario possu m’attendre / que quan s’agit di sou, tsacun pense per sé ». 

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Aoste, le mois mai 2017

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Les étapes qui ont engendré la réalisation de cette brochure  [1]]_

 

En 2002, j’avais rédigé un petit opuscule ayant pour titre°: « L’état du patois au début du troisième millénaire » dans lequel je reportai des considérations concernant ce sujet et, en même temps, je reproposais une série d’articles parus dans la revue Lo Flambò / Le Flambeau.

Aujourd’hui, après 15 ans, cette brochure nécessite quelques adjonctions pour faire le point de la situation sur ce débat sans fin qui continue à diviser les patoisants sur la méthode de transcription du patois et sur la façon dont on devrait œuvrer afin de préserver son état de conservation toujours de plus négligé.

Cette nouvelle mise à jour comprend tous les articles parus, dans la revue, sous la rubrique « Pour une meilleure connaissance de notre patois » et une série d’interventions qui ont eu lieu à travers des colloques auxquels ont pris part un grand nombre de patoisants ne partagent pas la nouvelle création d’une graphie élitique à laquelle désormais tous les écrivains patoisants, s’ils veulent publier leurs textes, doivent nécessairement se soumettre. C’est donc, bel et bien une imposition figée par un bureau qui dépend de l’administration publique.

Ainsi, il nous arrive de nous trouver devant une orthographe phonétique individuelle dont on peut relever un bel exemple de cacographie, où chacun finit pour écrire, le plus souvent, non comme on prononce, mais comme il prononce et dès lors il devient très difficile de comprendre un texte pour une personne qui ne connaît pas toutes les prononciations du faciès dialectal.

Pour les partisans d'une orthographe traditionnelle l'écriture est vue comme un patrimoine et une des « richesses » de la langue. L'orthographe permet de distinguer les mots et de mieux comprendre leurs relations grammaticales, sémantiques et étymologiques. Elle implique toutes les notions de grammaire (masculin/féminin ; singulier/pluriel ; temps des verbes, homophones…) les mots qui se terminent avec le son ail s’écriront « ail » s’ils sont des noms masculins (ex : un travail) et en « aille » s’ils sont des noms féminins (ex : (euna meuraille).

Au contraire pour les partisans d'une écriture plus phonétique et simplifiée pour calquer l'oral et faciliter, « à leur dire » l'apprentissage d’une écriture pour tous les faciès dialectaux écrivent tranquillement (lo travaille) pour travail en tant que substantif masculin de la même façon que l’on écrit ce mot en la deuxième et troisième personnes de l’indicatif présent du verbe (travaillé). Soit°: (te travaille, i travaille).

Du même en est pour les adjectifs se terminant avec le son et s’écriront « et » s’ils sont des adjectifs masculins soit au singulier qu’au pluriel ex : (blet de tsaat, pèi blet, tsaousson blet) et (tëta bletta, man blette) s’ils sont des adjectifs féminins. Au contraire la nouvelle graphie, inventée par le BREL, transcrit tranquillement ces adjectifs (blètte) sans faire aucune distinction : (ex : blètte de tsaat, pèi blètte, tsaousson blètte).

Pour ce qui regarde l’article défini et l’adjectif numéral un est transcrit, pour déterminer la liaison, (eungn ommo) au masculin et (eungn étèila) au féminin pour (un, euna). Le mot eungn n’existe pas en patois, dans la pire des hypothèses on pourrait transcrire (un gn-ommo, eun gn-étèila) avec un trait d’union.

Comme l’on peut constater, cette nouvelle méthode permet aux patoisants de parler et écrire la langue « comme elle vient », négligeant tranquillement les règles fondamentales dont elle est par ailleurs riche.

La linguistique dit que l’écrit et l’oral sont deux aspects distincts de la langue et que chacun a ses propres lois de fonctionnement.

Pour nous, c’est l’écrit qui nous intéresse et, en tant que grammairiens, nous invoquons l’autorité, la tradition, l’étymologie, la pureté de la langue.

Nous laissons aux phonéticiens l’observation des faits, le fonctionnement du système phonétique qu’ils ont sous les yeux, car pour nous, cet aspect, passe en seconde ligne.

Nous ajoutons cependant que : – pour lutter contre une tendance à la désintégration qui conduirait notre idiome à la disparition en faveur de l’italien, il n’est pas besoin d'inventer une nouvelle koinè. Elle existe depuis Cerlogne, mise en valeur par d’autres écrivains et par Le Nouveau dictionnaire de patois valdôtain.

Ce modèle de transcription centrale ne vise pas à supprimer les différents parlers locaux, au contraire, il est destiné à servir comme guide pratique afin d’avoir des textes corrects et facilement lisibles.

Pour nous, le mot d'ordre est « parler et penser en patois, plutôt que traduire en patois ce que l’on a pensé en italien ». C’est la seule façon pour garantir la survie de l'identité civilisationnelle de notre peuple.

 

   [1]    À remarquer la coïncidence des dates°:

1907 – Parution du dictionnaire de Cerlogne ;

1957 – Parution de la 2e édition des œuvres de Cerlogne, publiées par les soins de l’Administration Régionale de Vallée d’Aoste ;

1967 – Parution du premier des 12 volumes du Nouveau dictionnaire de patois valdôtain et création du Centre d’Études Francoprovençales par René Willien

          avec la collaboration du Comité des Traditions Valdôtaines°;

1997 – Parution de la 2e édition du Nouveau dictionnaire de patois valdôtain en un seul volume°;

2007 – Parution du Lo dichonnéro di petsou patoésan ;

2017 – Parution de cette brochure en honneur des 110 ans de la parution du premier dictionnaire de patois valdôtain.

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L’introduction de l’opuscule publié en 2002

 

L'état du patois valdôtain au début du troisième millénaire

La naissance du troisième millénaire a fait couler beaucoup d'encre pour mettre en évidence cet événement qui est destiné à modifier le système de vie du monde entier. Surtout qu'avec les techniques modernes, en pleine expansion, les distances sont toujours plus rapprochées et favorisent les rapports entre les peuples et les contacts humains. Ainsi le Comité des Régions de l'Union Européenne, avec le soutien de la division des Langues Vivantes du Conseil de l'Europe, avait organisé des conférences ayant pour thème°: L'année européenne des langues de 2001 avec le but d'analyser ces langues comme facteur d'identité culturelle et de cohésion sociale.

Les langues européennes régionales ou minoritaires ont été aussi objet d'un débat afin d'examiner la situation et le rôle des collectivités régionales en faveur de la diversité linguistique en Europe.

Ce petit pays, qui est la Vallée d'Aoste, région bilingue, voire trilingue, est évidemment intéressé, d'autant plus que ses langues et ses cultures régionales ont contribué au développement et à l'intégration de notre peuple. Donc, pour continuer à affirmer notre présence, vu que nous n'avons pas d’autres ressources notre devoir est d’œuvrer afin de nous faire connaître dans le monde, au moins, à travers notre culture régionaliste et notre francoprovençal.

Mais avec quelle image nous nous présentons à cette épreuve aussi importante pour affirmer notre particularisme et notre ethnie°? Avec une connaissance de la langue française au niveau des classes scolaires élémentaires que nous utilisons désormais seulement comme de façade°? Avec notre francoprovençal en état de décadence et une identité gravement menacée°?

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Utilisation du dialecte et d’une graphie simple et compréhensible

 

En réponse à ces interrogatifs°; nous nous limiterons ici à faire quelques réflexions à propos de notre francoprovençal qui est de plus en plus corrompu et de moins en moins objet de protection de la part de ceux qui le pratiquent ou bien qu'ils s'en servent désormais uniquement pour des études phonétiques laissant de côté l'élément fondamental, c'est-à-dire, qu'un dialecte est structuré d'une façon aussi complexe que les langues de grandes communications et le réduire dans des textes bourrés de signes et des accents, suivant une méthode uniformisée pour tous les dialectes -Valdôtain, Savoyard, Piémontais etc.- c'est leur rendre un très mauvais service, surtout à l'égard de notre patois, lequel, ainsi faisant, on l'a sorti de l'aire francoprovençale et dépouillé des règles et de l'orthographie de la langue française à laquelle il doit rester lié pour des raisons que nous avons développées maintes fois, donc nous omettons de les répéter.

La façon d'écrire une langue est toujours insérée dans un contexte logique et non pas d'une façon désordonnée où beaucoup de mots sont dépossédés des fonctions grammaticales qui leur sont propres.

Dans une plaquette intitulée “Comment écrire le patois°?” éditée en 1980 par le Centre d'Études Francoprovençales René Willien, M. Ernest Schüle écrivait°: «les patois valdôtains appartiennent à la famille des parlers gallo-romans…Dès lors nous recommandons d'utiliser le code de l'orthographe français pour transcrire des textes en patois valdôtain».

Ces recommandations non pas était suivies. D'autres plaquettes ont remplacé celle que nous venons de signaler, sans la moindre préoccupation et le souci d'entendre la voix des patoisants qui suivent encore les règles grammaticales établies. Ils auraient pu dire eux aussi leur petit mot. Résultat°? Notre langue régionale ressemble toujours de plus à un cep de vigne inculte où tous les pampres ont été laissés pousser et produisent des fruits de très mauvaise qualité.

Son lexique est de plus en plus encombré par des néologismes impropres, des phonèmes, des ellipses, des onomatopées et des italianismes°; mais de tout cela personne ne semble s'en soucier. Au contraire°; désormais il est permis à quiconque de transcrire tout ce qu'il entend sans se préoccuper des règles linguistiques, de la syntaxe et de la maîtrise de la langue. Sous couvert de ce principe, est proposée une graphie arbitraire et élitiste qui se substitue à une écriture orthographiquement logique.

Curieuse démagogie faire de l'arbitraire une rationalité scientifique en proposant à ceux qui s'approchent du patois sa loi à une langue vivante. Démagogie qui malheureusement est toujours de plus en plus acceptée sans trop de revirement par des patoisants improvisés. Cet expédiant leur permet la transcription de leur idiome comme mieux leur semble. Ainsi il nous arrive souvent de voir transcrit le même mot de manière différente par des personnes provenant de la même commune sinon du même village. Ainsi ceux qui ont à cœur la pureté du langage, trouvent devant leurs yeux des textes truffés de fautes de syntaxe bafouant les règles les plus élémentaires de la grammaire avec une ponctuation dans tous les sens°; omission d'une partie de la négation, phrases qui altèrent l'appartenance linguistique du dialecte valdôtain à l'aire francoprovençale.

 

Les confusions générées par une graphie phonétique

 

Dans l'article, “L'état du francoprovençal valdôtain en cette fin du XXe siècle”, paru dans le Flambò n. 1 printemps 1994, Aimé Chenal reporte la citation suivante de Pierre Bec concernant la graphie phonétique°:

« Un exemple fera mieux comprendre°: Un mot tel que “jour” recouvre en réalité (en occitan, mais aussi en francoprovençal, c'est nous qui ajoutons) une pluralité de prononciations telles que jur, djur, djun, dzur, tsur, tsun, etc. Noter chacune de ces divergences articulatoires oblige le lecteur à un effort d'adaptation confinant au malaise, obstacle presque insurmontable à l'intercompréhension écrite non soutenue par le contexte situationnel de la langue parlée ».

L'expérience a d'ailleurs prouvé que les sujets parlants cristallisent sans difficulté leurs prononciations spécifiques autour d'une seule et même image graphique. N'en est-il pas d'ailleurs de même, quoique dans une moindre mesure, du français°?» (Nous ajoutons°: de toutes langues écrites du monde°?).

Jean-Baptiste Cerlogne, qui n'était pas un scientifique, mais un intuitif, a trouvé la solution qui tient compte aussi bien de la langue que de la parole et, contrairement à ce que certain milieu scientifique soutiennent, il est lu et compris facilement par tous ceux qui ont une certaine familiarité avec notre patois. Donc l'affirmation qu'une règle orthographique n'est pas applicable pour tous les parlers valdôtains n'est pas raisonnable et ne trouve aucun fondement. Il y a des différentes manières de prononciation mais les règles grammaticales sont les mêmes.

Les dialectes, aussi bien que n'importe quelle langue de grande communication, ne sont pas une agglomération de signes phonétiques, mais une agglomération de règles phonologiques, morphologiques et syntaxiques. En peu de paroles, ni plus ni moins, la grammaire que nous avons commencé d'intérioriser dès les premiers jours d'école et que nous continuions à intérioriser au cours de notre existence.

Se comporter différemment à l'égard de notre dialecte, surtout lorsqu'il s'agit de proposer des morceaux écrits aux lecteurs, la lecture devient pour eux extrêmement difficile et peut créer des confusions et des différentes interprétations. Le manque de connaissance des règles grammaticales fait le reste.

L'ancienne façon de dire°: – Je parle la lenga de ma mëre n'a plus de sens de nos jours, car cette mère, à son tour, ne connais plus parfaitement la langue de sa mère. Puis avec les mariages toujours plus fréquents, entre deux individus patoisant de différentes communes parlant encore patois à leurs enfants, il arrive que ces derniers se familiarisent avec deux patois différents et quand ils le parlent finissent par les mélanger. Ainsi, il en ressort un dialecte qui n'est plus strictement celui de l'endroit comme il ne l'est plus phonétiquement°; c'est un patois qui subit inévitablement l'évolution des temps, rien de mal, puisqu’il est toutefois bien compris et même enrichi de son lexique.

Voilà une raison encore d'employer, pour l'écriture, une graphie littéraire qui tient compte de toutes les règles grammaticales afin de continuer à produire une littérature patoise plus qualifiée voyant au francoprovençal une alternative à la mondialisation, une opposition à l'établissement d'un mode de vie uniformisé. Notre langage doit être conçu comme le symbole de la diversité culturelle de notre peuple et le porte-drapeau du plurilinguisme.

Quelqu'un a écrit, il y a quinze ans°: «L'intervention en faveur du patois doit avoir en ce moment un objectif primaire°: faire de façon que le plus grand nombre de Valdôtains le pratiquent dans n'importe quelle occasion et, surtout, qu'il soit retransmis aux enfants. Le souci de la qualité, qui n'est pas à négliger, est, à mon avis secondaire en ce moment. J'aime mieux de mauvais patoisants qu'on pourra peut-être corriger que pas de patoisants du tout».

«Mais qui les corrigera°?», objectait Aimé Chenal dans un article paru dans Lo Flambò / Le Flambeau n. 4 du 1986 où il réfutait cette opinion avec des arguments scientifiques. (voir article – La persistance d’une attitude mentale).

Une année plus tard un autre article, paru dans Le Peuple Valdôtain par les soins de Combefroide, revenait sur cette demande fort pertinente°: «Mais qui les corrigera°?» et à son tour il reportait des remarques fort intéressantes. Naturellement à cet interrogatif, pour l'instant, personne n’a donné de réponse.

Aujourd'hui, à distance de 15 ans, les choses ne vont pas mieux et l'état de santé de notre langage, se trouve dans une situation encore plus critique comme nous le confirme l'article, signé par le même auteur du précédent, paru dans le bulletin du Centre d'Études Francoprovençales René Willien n. 42 où nous lisons°: «Dans les classes, à quelques exceptions près, les patoisants sont minoritaires, parfois il y en a un, deux…

Le travail des enseignants devient dans ces conditions difficile et particulièrement méritoire. Vous me direz°: «Pourquoi continuer à faire du patois quand dans une classe il n'y a presque plus de patoisant°?». Je pense à ce propos qu'il est quand même important que les enfants l'entendent…»

Après cette nouvelle constatation nous pouvons à notre tour affirmer, si besoin en est, que ces deux articles illustrent une situation que bat continuellement en retraite, et il est temps d’analyser un peu plus de près le pourquoi de ce recul après “39[1] Concours Cerlogne” qui n'ont pas donné les fruits espérés si nous tenons compte que les enfants qui ont participé à ces Concours il y a plus de trente ans sont, pour la plupart, les parents des enfants qui y participent de nos jours donc un examen sérieux s'impose.

 

Connaître avant tout la structure de la langue

 

Les cours populaires de patois, qui obtiennent un bon succès parmi ceux qui s'intéressent encore à cette langue, pourraient être un support important pour sa survivance et son intégrité si son enseignement serait pratiqué d'une façon plus approfondie. Pour l'instant ont été choisies des bases qui reposent essentiellement sur l'oral. La méthode présentée ne s'attache pas à des règles mais à l'usage°; et l'écrit proposé, ne peut être qu'un aide-mémoire, étant donné qu'un chacun transcrit les mots comme il les entend prononcer.

Concrètement ceci signifie qu'en cas de doute, le participant au cours, lorsqu’il aura l'intention d'écrire, devra s'adresser à une autre personne qui parle également patois et le connaît à fond.

Ces quelques phrases, tirées des textes de certains élèves sortants des cours populaires de patois, que nous proposons le confirment, sans démentis possibles°: (les paroles soulignées sont des italianismes ou impropres) fejet de tot pe se beté en vuya  pour°: féjet de tot pe se fére vère. L'ayet savu la notise pour°: L'ayet savu la novalla. Sit inque lèi ayet deut pour°: cit inque l'ayet deut-lèi. A mèizon de dou lyoen paren pour°: A mèison de dou paren a la llioen. Le modélo que n'en en devan son…pour°: Le modélo que n'en in tëta son...É tanque no sen a ten pour°: …Et di ten que no sen a ten. Aréten-no pa a le catro dzornà pour°: Arrëten no pa i quatro dzornà. Le rezourse umène é le mèiten de comunicachon pour°: Le ressource uméne et le moyen de comunicachon. Semble una de sèle demandeque se fan deun le dzoà de sosiétà, mé, a bien vère, l'et pa paré pour°: Semble a euna de celle (ou bien çalle) demande… que se fan din le dzoà de sociétà, më, a bien lèi pensé, l'est pa parë. Se prezente a no joé come un ensemblo… pour°: Se presente a noutre joé (ou jeu) comme un insemblo…La lenga outre que étre la marca de pour°: La lenga in pi d'ëtre la marca de…Bien que tote seute bague l'èyon leur enportanse pour°: Bien que totte cette bague l'achen leur importance. (l’èyon s’emploie dans le verbe ëtre ; ici il s’agit du verbe avèi).

Et je pourrais continuer à l'infini, mais, ces quelques exemples suffisent et nous autorisent à affirmer que l'acceptation d'un barbarisme semblable, vis-à-vis de notre langue, signifie, le manque d'une sérieuse volonté politique, la création d’une génération qui est le fruit d’une dégradation culturelle et linguistique épouvantable.

 

Utiliser les automatismes acquis à l’école pour mieux se comprendre

 

D'autre part nous constatons que, même les phrases en patois insérées dans les dépliants, rédigées peut-être par les soins des élèves du cours, et divulguées par les bureaux compétents de l'Assessorat de l'éducation et de la culture, ne sont pas plus correctes que celles que nous venons de citer, car elles contiennent des tournures impropres et des italianismes évidents.

Dans une de celles-ci, nous lisons°: «Queunta Odissé, Lèi la fiavo pamé. Me sèmblave lòn Todzor lliouèn de mèizon Sènsa la min-a épaouza…» or, la phrase Lèi la fiavo pamé, est une expression patoise traduite directement de l'italien. Notre langue, dans les cas où la phrase comprend un autre pronom personnel à la troisième personne, lo, la, le, précèdent toujours lèi°: La lèi féjò pamé. Ainsi le mot «fiavo» dérive de la première personne du participe passé du verbe fié et non pas du verbe fére. L'expression «Sensa la min-a épaouza» est aussi impropre car en francoprovençal on dit°: Sensa mina épaouza. La exerce les fonctions d'un pronom possessif et il est utilisé dans des phrases comme°: Mina épaousa l'est bien amia de la tina.

Voilà encore une raison de plus pour maintenir la graphie littéraire qui tient compte des règles grammaticales et de la structure de notre langue.

Toute personne, douée d'une certaine connaissance de cette réalité, aura remarqué ou fait lui-même ses épreuves, que l’on n’écrit pas comme l'on parle, d'autre part ceci se vérifie pour toutes les langues du monde. Lorsqu’on écrit le choix des expressions devient beaucoup plus complexe que quand on parle. Le choix des expressions se fait plus soigné, la syntaxe est plus complète et plus logique. Tout ce que l'expression du visage, l'intonation de la voix, les gestes qu'on exprime quand on parle, sont remplacés par la précision et la cohérence du style.

Nous estimons que dans ces cours, il est extrêmement important d'insister sur ces bases primordiales et sur des sujets concernant la vie courante moderne, télévision, ordinateur, téléphone, voiture, outillage, bureau etc. afin d'introduire, avec scrupule, dans le patois qui sera celui de demain, des néologismes à lui propre tel que Télé-tsandzo pour tele comando de la télévision°; Rat pour mouse°; Moutse pour cursore de l'ordinateur°; Tondeusa pour decespugliatore°; Burò, pour ouficho. Portablo pour telefonino ou cellulare etc. Réintroduire, à l'usage courant du discours, les mots appartenant à notre langage qui sont périmés ou bien ont été remplacés par des mots d'emprunt.

Composer des phrases avec l'emploi de ces mots de façon à utiliser le patois dignement. Voilà le rôle de ces cours qui doivent nécessairement se dérouler dans cette direction si l'on veut œuvrer en sa faveur°; faire en sorte que notre langue ne soit pas tout à fait soumise à la fatalité de la culture unique, au drame d’une identité universelle standardisée et à la puissance linguistique d’un pôle unique irrésistible et dominateur.

 

Sauvegarder l’appartenance de notre langue à l’aire francoprovençale

 

Émile Proment, dans un article paru sur la revue Lo Flambò / Le Flambeau, a dit entre autre°: «Parmi les prétendus défenseurs du patois, il y a des sincères et des insincères, mais, dans la pratique et sauf quelques louables exceptions, ils ne se distinguent guère les uns des autres. Une chose en particulier, leur est commune°: l'indifférence pour la pureté du patois…» et plus loin il continue°: «Nombre de néologismes, dont le patois a besoin pour tenir le pas, peuvent être tirés du patois lui-même, du francoprovençal aussi, ou à la rigueur du français. Que fait-on au contraire°? On emprunte tout à l'italien°!» Saintes paroles, paroles que j'oserais définir bibliques qui malheureusement ne sont pas parvenues aux oreilles des intéressés.

Le patois, chez nous, a encore une chance de survivre, à condition qu'il ait une volonté politique de le faire. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire de le pratiquer et demeurer nous-mêmes, en continuant à employer un système de transcription propre déjà codifié. Il suffit de l'enrichir à travers une recherche méticuleuse, de ces mots passés en désuétude et d'y insérer ces néologismes spécifiés plus haut en éditant des suppléments lexicaux aux dictionnaires existants.

Si, en plus, notre langage est en même temps objet d'études phonétiques par les savants d'autres régions à nous voisines -Piémont, Suisse, Savoie-, où cet idiome a presque disparu, eh bien, qu'ils soient les bienvenus, ils trouveront toute notre collaboration.

Que l'on fasse toutes les recherches qui peuvent être utiles à comparer les diversités de sons des mots pris en considération, mais, de grâce, qu'on ne vient pas nous proposer un modèle de transcription oral uniformisé qui s'écarte de notre modèle orthographique littéraire seulement pour des exigences de confrontation parce que cela ne fait pas notre affaire.

Notre langue régionale est pour nous signe d’orgueil et de fierté°; nous n'admettrons jamais qu'elle soit manipulée de cette façon et qu'on tente de l'éloigner du système graphique basé sur celui de la langue française, qu'est sa sève nourricière et c'est à travers sa stricte alliance que dépend sa survivance. Qu'on n'oublie pas cette réalité et qu'on ne cherche pas d'utiliser, avec la complaisance de quelque patoisant de chez nous, certains expédients qui nuisent à la cause valdôtaine tout entière.

 

[1] Cette année ce sera le 55ème

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Conversation tenue, par le soussigné, à Aoste le 7 mai 1995 à l’occasion du Cours de patois

 

L’idée d’élaborer un nouveau dictionnaire avait été conçue il y a plus de trente ans.

Nous nous disions alors que le dictionnaire de Cerlogne, instrument indispensable pour tous ceux qui avaient l’intention de comprendre correctement notre langue, avait besoin d’une mise à jour. Rappelons qu’il fut publié en 1907.

Des mots nouveaux depuis lors sont nés, d’autres, hélas ! sont tombés en désuétude. Certains ont modifié leur sens primitif.

Surtout l’usage a modifié le sens d’une quantité de plusieurs expressions, rejetant dans l’ombre l’expression primitive.

Ainsi frêideré, qui signifiait un domicile où l’on déposait le fromage et le beurre pour les tenir au frais et les conserver, n`est plus guère connu et il a été remplacé par magasin. On retrouve cependant ce terme en toponymie et nous avons à Saint-Barthélemy l’alpage Freiderey ou Frederon, à Saint-Marcel 1’alpage Frèideret et à Brusson l`alpage Frudière etc. Nous avons également Frèidére à Nus.

De ce même mot nous avons conservé, grâce à son étymon fret, frèíde et frèidolë, frèidolëre pour indiquer une personne frileuse.

Encore un exemple pour vous donner l’idée de ce qui se vérifie continuellement dans l’évolution des langues et dont les dictionnaires tiennent compte.

Le terme patois domené signifiant mener, conduire dans une certaine direction quelque chose que nous avons dans les mains, a été remplacé par guedé, de nos jours : guedé la voèteura ou la machina. On disait autrefois par exemple : domené lo meulet, lo tsaret, la ledze, lo rsapelet etc. On aurait dû conserver ce terme et l’adopter pour la voiture et dire tout court domené la voèteura.

La conception nouvelle d’élaborer un dictionnaire à la fois alphabétique, contenant tous les mots catalogués par Cerlogne plus ceux qui nous avions trouvés, il nous a semblé plus que nécessaire et utile.

Un mot n’est pas complètement défini par son classement grammatical et la signification de ses divers emplois. Il ne prend sa pleine valeur que par rapport aux autres mots qu’il évoque logiquement, non seulement ses synonymes, antonymes mais aussi les termes auxquels il se rattache.

En effet, pour trouver un mot dans un dictionnaire alphabétique il faut, tout d’abord le connaître, sans quoi il est impossible de le découvrir si l’on ignore son existence.

C’est donc seulement un dictionnaire analogique qui peut nous tirer de cette défaillance.

À ce point nous pourrions nous demander dans quelle mesure la méthode adoptée se rapproche du but.

Là, notre travail n`est exempt ni de lacunes, ni d’imperfections, nous en sommes plus que persuadés. Seulement une nouvelle réédition revue et augmentée pourrait combler davantage ces imperfections.

Mais, faute de mieux, passons toutefois à examiner de plus près l’instrument dont nous disposons.

Supposons d’avoir la nécessite de connaitre le nom des harnais du mulet, ou plus précisément une partie spécifique des harnais, mais nous ne con naissons absolument aucun terme pour nous aider en quelque sorte à trouver ce que nous cherchons. Que faire ?

À ce point nous procédons par analogie. Nous savons que les harnais servaient pour atteler un mulet, donc notre première recherche est celle d’aller consulter le mot meulet. Ici nous trouvons tout ce qui a trait au mulet et le mode d’emploi de ce terme, nous apprenons par exemple qu’au jeu de cartes on appelle meulet une carte découplée. Nous trouvons également les termes artelé et imbaaté lo meulet. Ah ! Ici nous commençons à tirer un soupir car nous savons qu’on artèle et on imbaate lo meulet, avec ces choses que nous cherchons mais ne connaissons pas.

Le dictionnaire, à ce point, toujours par analogie, nous aide à retrouver le mot. Il nous dit : Pour les harnais voir armura.

Nous allons donc consulter ce terme et nous trouvons en premier lieu que armura signifie l’armure des guerriers, soit l’ensemble des défenses qui protègent le corps. En deuxième lieu il signifie harnais du mulet ; et dans les remarques il nous explique que lorsqu’il a le sens d’harnais, ce terme s’emploie toujours au pluriel. Donc armure avec ses synonymes : Artellure – arnése – refornemen, selon les endroits. Puis il nous donne tous les noms spécifiques des armure di meulet à partir de la tétëre, à la tèíssonëre, à la gorgoillure, etc.

Le dictionnaire propose aussi un nombre considérable de citations des auteurs patoisants afin de faire des comparaisons entre le mot pris en considération, et le mode d’emploi, et aussi toutes les conjugaisons des verbes ainsi que des notes de grammaire, afin de permettre à ceux qui le consulte de ne pas tomber dans des erreurs d’interprétation pour la seule raison de trop se fier de comment le mot est écrit dans certains textes.

Le mot goil par exemple est un s.m. et signifie creux de terrain, dépression, petite cuvette. Ci plan féit un grou goil pour dire que cette étendue de terrain est concave. Il nous arrive toutefois de trouver dans certains textes “nouveaux” ( ! ? !) ce terme écrit goille au féminin en conservant la même signification. Ceci, si nous ne faisons pas attention, nous porte à penser qu’il s’agit de la goille c’est-à-dire la mare, la flaque d’eau. L’at plouvet, lo tsemín l’est plen de goille, et par extension la mer la gran goille.

Il en est de même pour me mot boueíl, le bassin, l’auge, la fontaine : Lo boueil est un s.m. Si au contraire on le transcrit boueille (avec deux ll e) nous nous trouvons devant un autre terme c’est-à-dire la boueílle la concavité laissée par un tronc d’arbre que l’on traine sur la neige. Cette concavité était utilisée par les bûcherons pour faire glisser les troncs d’arbres. Ce terme est aussi appelé tsala.

Comme vous pouvez noter ces deux termes, phonétiquement ont presque le même son mais ils se différencient par l’article qui détermine leur appartenance.

Le dictionnaire à ce point, comme vous pouvez vous rendre compte, devient un instrument indispensable pour le bon usage du langage écrit car il distingue ces différences lexicales très nettement.

D’autres confusions entre le substantif et le verbe d’un même mot se vérifient aussi souvent chez certains auteurs qui ne tiennent pas toujours compte des règles grammaticales.

Ainsi le mot travail s.m. est souvent écrit travaille (avec deux ll e) une transcription de ce genre nous fait penser tout de suite à la deuxième et à la troisième personne de l’indicatif présent du verbe travaillé soit : te travaille, i travaille.

Ici encore l’utilisation du dictionnaire est extrêmement utile pour éviter ces confusions, que en définitive ne servent à personnes, et ne sont là que pour compliquer les choses, et montrer que notre dialecte, en définitive, n`est qu’un ensemble confus de “mots”, sans règles grammaticales, sans règles phonologiques, donc sans rien, bon seulement pour rigoler.

Si au contraire on veut rendre les sons de chaque mots pris en considération, alors il faut suivre la transcription phonétique établie par les experts dans la matière, qui prévoit des signes particuliers mais parfois deviennent incompréhensibles à la plupart des lecteurs patoisants.

Pour finir, encore un exemple, à l’égard des adjectifs : prenons en considération le mot blet, il fait bletta au feminin, au pluriel masculin blet et au pluriel féminin blette.

Comme on peut comprendre, le singulier et le pluriel masculin blet et le pluriel féminin blette ont presque le même son et on pourrait facilement se tromper dans l’écriture si l’on ne mets pas un substantif devant, ou une phrase qui détermine l’adjectif.

En effet entre pantalon blet et man blette, apparemment, pour ce qui concerne l’ouïe, il n’y a presque pas de différence phonétique ; mais pour l’écriture oui, nous ne pouvons pas nous permettre de l’ignorer, il est nécessaire de distinguer.

Nous avons écrit fornet dans le Dictionnaire. Certains, aujourd’hui, écrivent et enseignent à écrire ƒorrnette. C’est ahurissant ! Fornet est un mot de deux syllabes seulement, comme en français fourneau. Mais voilà : il se termine par une occlusive dentale sourde qui est /t/. Or, tout le monde sait, ou pour le moins tous les “addetti ai lavori” devraient savoir, que les occlusives sont des phonèmes qui sont prononces avec un arrêt momentané de l’expiration (c’est pour cela qu’on les appellent occlusives dans la nomenclature scientifique), puis lorsque cet arrêt cesse, le “bruit” explose, littéralement parlant.

Si fornet est suivi d’autre “mots”, la langue, la glotte, etc., se mettent dans une position capable d’émettre le phonème suivant, et ainsi de suite.

C’est une simple question de phonétique articulatoire, mais encore faut-il connaitre à fond cette discipline. Toutes ces articulations particulières, mais présentes dans le système articulatoire du dialecte valdôtain, font que pour le profane, tout semble se passer comme si, après l’occlusive /t/, il y aurait quelque chose encore.

C’est une pure illusion, engendrée par l’explosion de l`occlusive et par les autres mouvements articulatoires que j’ai brièvement rappelés.

Faisons un exemple, pour expliciter davantage cet argument : il y a en français un syntagme nominal comme poids net. Or, ce net français, est, phonétiquement, exactement le même que le net du “mot” francoprovençal fornet.

Les français n’écrivent pas nète ou nette. Il y a une raison, c’est celle que je viens de rappeler.

Les italiens appellent Fernet un digestif à base d`artichaut. La syllabe net se prononce exactement comme le net de fornet : ils n’ont jamais songé décrire Fernette ou autre.

J’ajoute encore une expression française : eau nette. Cette fois-ci, net est devenu féminin, parce que l’adjectif s’accorde en genre et en nombre avec le substantif qui forme le syntagme nominal dans nos langues néo-latines.

Dans les autres, moi je ne sais pas. Tandis que le masculin net est formé d’une seule syllabe, son féminin est cette-foi de deux syllabes. Dans notre dialecte, nous constatons exactement le même mécanisme éve netta.

Reprenons le mot francoprovençal travail. C’est encore une fois phonétiquement parlant, exactement le même “mot” que son équivalent français travail. Une certaine proposition anticonoscitive propose décrire travaille en dialecte valdôtain ce substantif masculin. Encore une fois, mais cette fois-ci c’est la liquide mouillée /l/ terminale qui peut donner l’illusion qu’il y ait “quelque chose” après cette liquide mouillée.

Dans toute la littérature francoprovençale on a toujours écrit ƒornet et travail. C’était une intuition logique, scientifiquement correcte. Pourquoi inventer des absurdités anti-francophones, quand on se déclare francophone ?

Pourquoi ne pas accorder du crédit à la conscience linguistique de tous ceux qui nous ont précédés ?

Comme vous voyez les instruments, quoique incomplet peut-être, existent et peuvent nous aider à parvenir à une koiné de notre langue si nous voulons qu’elle demeure vivante dans le parler des futures générations.

Nous avons une preuve évidente dans les textes que nous préparons pour le Charaban. Ces textes sont écrits selon la graphie cataloguée dans le dictionnaire. Eh bien ! les acteurs du Charaban n’ont aucune difficulté à lire les textes, à les apprendre par cœur et par la suite à les présenter sur la scène dans leur patois familier.

Cette année dans la pièce que j’avais préparée les spectateurs ont pu entendre parler trois patois différents. Le grand-père était appelé crêtsan par la fille de Cogne padan par les garçons des Aymavilles et papa-gran par ceux de Gignod et Étroubles. 

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Lo dichonnéro di petsou patoésan ; [illustrations: Mattia Surroz]

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[Aoste] : Région autonome Vallée d'Aoste. Assessorat de l'éducation et de la culture, copyr. 2007 (Quart : Musumeci)

Petit dictionnaire illustré, voulu par l’Assessorat à l'éducation et la culture, pour les enseignants, les jeunes étudiants et pour tous ceux qui souhaitent apprendre le francoprovençal. Il s’agit d’un nouvel outil d'enseignement, pour la diffusion des langues, afin de travailler pour une école qui soit vraiment, liée à l’histoire et à la culture valdôtaine. Édition hors commerce.

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